Avant le congrès d'Europe Ecologie-Les Verts, début juin, la secrétaire nationale explique comment le parti doit peser sur la gauche
Six mois après la création d'Europe Écologie - Les Verts, les écologistes tiennent leur premier congrès, qui voit Daniel Cohn-Bendit contester la légitimité et le fonctionnement de la secrétaire nationale, Cécile Duflot. Les militants doivent se retrouver pour élire leur direction les 3 et 4 juin à La Rochelle. Deux jours plus tard, le 6 juin, s'ouvrira la primaire qui doit départager Eva Joly et Nicolas Hulot. Un premier débat doit avoir lieu à Toulouse.
Cécile Duflot défend son bilan, revient sur la situation de la gauche et son souhait de voir les écologistes peser sur un futur contrat de gouvernement avec les socialistes.
Le retrait de Dominique Strauss-Kahn change-t-il la donne pour les écologistes ?
Quoi qu'il arrive, je défends une candidature des écologistes. Elle est nécessaire pour défendre notre projet. L'enjeu, c'est comment l'écologie peut revivifier le projet de transformation sociale du XXIe siècle dans un nouveau tandem entre le PS et les écologistes.
On voit à quel point les ressorts sociaux-démocrates sont fatigués, même si le PS reste le parti dominant à gauche du fait d'un système électoral qui reproduit le paysage politique classique. Sur les caractéristiques des différents candidats socialistes, j'ai essayé d'en dire le moins possible, car ce n'est pas le rôle de la secrétaire nationale d'Europe Ecologie - Les Verts. Mais comme je ne suis pas d'un bloc, j'avais exprimé un sentiment de décalage avec la fonction de DSK.
Vous aviez dit que cela vous " chiffonnait le nez "...
C'était une formule spontanée pour évoquer la situation d'un directeur du Fonds monétaire international " candidat du Parti socialiste ". Il y a une interrogation pour les sociaux-démocrates : jusqu'à quel point leur fascination ou leur complaisance pour les règles libérales qui se sont imposées au monde ont conduit à un affadissement de leur projet et résonnent comme une forme d'échec.
Je pense qu'aujourd'hui les héritiers du projet de gauche, ceux qui portent l'idée de transformation sociale, ce sont les écologistes. Nous sommes ceux qui voulons revivifier la volonté politique, qui refusons de subir en acceptant de se cantonner aux accommodements du système, et qui voulons construire un nouveau modèle.
Cette absence à gauche de volonté politique transformatrice, ce refus d'imaginer un autre partage des richesses expliquent largement l'échec de la gauche européenne. On le voit aujourd'hui en Espagne : le rejet absolu de tous les politiques devrait interroger le PS. Il faut, pour certains, retrouver un lien avec la réalité de la vie de millions de personnes.
Une semaine après les faits, quel regard portez-vous sur l'" affaire DSK " ?
Dès le dimanche soir, j'ai dit qu'il fallait la justice pour la jeune femme et la justice pour l'homme. Qu'il n'y avait ni de précautions supplémentaires à prendre, du fait de la personnalité du mis en cause, ni de généralisation à faire sur les hommes politiques. Depuis on est passé à une affaire politique qui a agi comme un révélateur de la confusion qui règne entre ce qui relève d'une relation entre des adultes consentants et les actes de violence faits aux femmes.
Je ne me place pas sur le terrain de la morale. Je ne fais pas partie des gens qui pensent que la fidélité conjugale est une exigence pour un responsable politique. C'est du domaine privé. Mais on a assisté à une dérive toute française : la tolérance, pour certains, face aux violences sexistes, dont le viol, le harcèlement, les remarques insistantes sur le physique... Cela suscite un gros malaise.
Est-ce une critique envers vos partenaires politiques ?
Ça me pose problème de voir qu'en 2011 ce sont d'abord les femmes qui se mobilisent contre cette tolérance insupportable. J'aurais aimé l'entendre de la bouche d'hommes politiques. L'égalité et le respect ne devraient pas être des questions dont seules les féministes se chargent. Depuis leur naissance, les écologistes ont pris à coeur la question du droit des femmes. Ce ne sont pas les conservateurs qui vont en être porteurs. La gauche a plus de devoirs sur cette question que d'autres, et quand elle ne s'exprime pas, sa parole manque d'avantage.
Le courant a l'air de mieux passer avec Martine Aubry qu'avec d'autres dirigeants socialistes ...
Nous avons une lucidité commune sur l'urgence pour la gauche et les écologistes de faire battre Nicolas Sarkozy. Pour bâtir la confiance, la dimension humaine est importante. C'est vrai que Martine Aubry a compris qu'il ne fallait pas tenir les écologistes en suggestion ou dans le mépris. On a entre nous des discussions de fond, avec la volonté d'entrer dans la réalité de ce qu'on doit faire et comment.
Un exemple : Martine Aubry a dit qu'elle voulait organiser la sortie du nucléaire. Puis Laurence Rossignol, chargée des questions d'environnement, est venue aux Etats généraux du nucléaire samedi 21 mai, en disant : " Il faut qu'on travaille sur de vrais scénarios, pas seulement un accord de formule. " C'est comme ça que nous devons travailler pour faire la démonstration de notre volonté politique de transformation.
Revendiquez-vous une autre forme de partenariat avec les socialistes ?
Si on est juste là pour organiser l'alternance et engendrer, à nouveau, la désespérance, nous n'aurons servi à rien. Il faut qu'on ait une autre ambition que la gauche plurielle. Je suis d'une génération totalement décomplexée à l'égard des socialistes : ni sentiment d'infériorité ni posture de guéguerre. Je veux juste qu'on discute d'égal à égal pour aboutir à un contrat qui dise : " Voilà ce qu'on va faire ensemble durant cinq ans. "
Quand je dis qu'il ne peut pas y avoir d'écologistes dans un gouvernement qui n'organise pas la sortie du nucléaire, c'est un point incontournable, parce qu'il est emblématique d'un changement d'état d'esprit que nous voulons.
Comme au PS, vous organisez un congrès, puis une primaire. N'est-ce pas un double risque de division ?
C'est vrai qu'on assiste déjà, à mon grand regret, à des tensions. Notre congrès, comme la primaire, c'est une sorte de crash-test. Depuis un an, on s'est doté d'un calendrier de travail apparemment délirant : création d'une nouvelle organisation en novembre 2010, premier congrès en mai, et primaire ouverte en juin. Il fallait qu'on sorte de notre ancien fonctionnement et de son ronron. On l'a fait avec la naissance d'Europe Ecologie. Aujourd'hui, si on veut être à la hauteur des enjeux d'une campagne qui va être particulièrement difficile, chacun doit faire preuve de responsabilité, dirigeants comme militants.
Pensez-vous être réélue secrétaire nationale ?
Je ne sais pas. Il y a plusieurs candidatures, et le nombre d'adhérents a doublé depuis 2008. C'est donc difficile d'évaluer le soutien que les adhérents vont m'apporter ou pas. Si mon équipe n'arrive pas en tête du vote des militants, je ne serai pas candidate à ma succession. Je regrette que notre congrès n'ait pas porté sur un débat stratégique, puisque Daniel Cohn-Bendit a défendu l'idée d'un soutien des écologistes à DSK, comme il l'a plusieurs fois répété à l'extérieur. Du coup, la différence entre sa motion et la mienne n'apparaît pas clairement. J'aurais préféré cela à un débat focalisé sur l'organisation du parti.
La primaire entre Eva Joly et Nicolas Hulot va, elle aussi, conduire à des tensions...
Pas forcément. La primaire peut constituer une nouvelle étape du rassemblement. Chacun doit avoir conscience qu'on ne peut pas redescendre au niveau des propos de maternelle qui font perdre de la crédibilité à tout le monde. Les adhérents et ceux qui participeront à la primaire ne viendront pas pour assister à ce genre de jeu.
Après avoir vu les expériences du MoDem et du NPA, mon obsession, c'est que les écologistes construisent dans la durée. Pas seulement pour bouger les lignes, mais pour gagner la majorité et conquérir le pouvoir.
Propos recueillis par Sylvia Zappi
© Le Monde
27/05/11
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