lundi 10 octobre 2011

Je ne vois aucune raison de rassurer les marchés.

Pas un jour ne passe sans que l'on entende l'injonction selon laquelle « les politiques doivent rassurer les marchés ». Mais que font les marchés pour rassurer les politiques ? En tant que responsable politique, les marchés financiers sont pour moi une source d'inquiétude considérable et le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne font rien pour me rassurer.

Le scandale d'UBS, dans lequel un trader est soupçonné d'avoir fait perdre à son employeur deux milliards de dollars, montre une fois encore que les banques n'ont en rien tiré les leçons de la crise. Le contrôle des risques en interne est toujours aussi laxiste et les produits financiers capables de multiplier la prise de risque, et donc les profits potentiels, toujours aussi populaires auprès des traders. Pas de quoi me rassurer.

Les économistes montrent que la Grèce est un cas à part dans la zone euro. Que les fondamentaux économiques du Portugal, de l'Espagne ou de l'Italie n'ont rien à voir. La dette publique espagnole est de 65% du PIB quand la dette grecque dépasse les 150%. Le déficit de la balance commerciale italienne représente moins de 2% du PIB quand celui de la Grèce est de 12%.

Mais, me répond-on dans les milieux financiers, vu d'une salle de marché de New York ou de Singapour, les pays de l'Europe du Sud forment un même ensemble qui nourrit la contagion. Alors, pourquoi disposer de statistiques économiques pour évaluer au mieux la situation si les traders ne se penchent pas dessus et font régner une terreur injustifiée sur les gouvernements ? Et je ne vois aucun changement d'attitude sur les marchés qui puissent me rassurer.

Depuis la crise de 2008, rien n'a changé

Le lobbying massif de l'industrie financière contre tous les projets de réglementation aux Etats Unis comme en Europe nuit considérablement à la stabilité du système financier. Les banques évoquent toujours leur rôle dans le financement de l'économie mais elles défendent le trading de haute fréquence, ces ordres passés par des machines pour des durées inférieures à la seconde, qui dénature la fonction initiale des marchés de capitaux qui est de financer l'économie.

Les banques critiquent le « système bancaire de l'ombre » mais elles ont défendu les « hedge funds » (fonds spéculatifs) quand l'Europe a voulu encadrer leur activité en 2010 car elles en sont les premiers financeurs via leur activité de « prime brokerage ».

Les banques demandent publiquement aux Etats de réduire leur déficit public mais elles organisent une évasion fiscale massive via les paradis fiscaux et le secret bancaire, dont le coût pour la collectivité est considérable. Rien qu'en France le manque à gagner liée à l'évasion fiscale dans les paradis fiscaux est évaluée entre 30 et 40 milliards d'euros chaque année. Depuis la crise de 2008, rien n'a changé et les banques ont perdu toute crédibilité à se poser en promoteur de la stabilité financière.

Pour des réformes beaucoup plus ambitieuses

Comme les acteurs financiers n'entreprendront pas de manière volontaire les nécessaires « ajustements structurels » de leur activité, je ne vois, comme responsable politique, aucune raison d'être obligé de les rassurer. Et je vois au contraire de bonnes raisons de soutenir des réformes beaucoup plus ambitieuses que celles menées depuis 2008, telles que :
  • la séparation des banques de dépôts et de financement de marché,
  • l'interdiction de produits financiers complexes et risqués,
  • l'instauration d'une taxe sur les transactions financières et d'un temps minimum pour toute transaction financière,
  • l'obligation de déclarer tout compte d'un résident européen à son administration fiscale respective pour lutter contre l'évasion fiscale,
  • le retour à des emprunts populaires pour que les Etats se financent directement auprès des citoyens et non auprès d'intermédiaires financiers qui ont fait une sorte de coup d'Etat en capturant l'épargne que leur confient les citoyens pour en faire des outils de spéculation contre les Etats.

En démocratie, les politiques ne sont pas là pour rassurer les marchés, mais pour les encadrer.

Par Pascal Canfin | Député européen EELV

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